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En 2018, la maison de vente aux enchères Baghera Wines a vendu à Genève un mathusalem de Romanée-Conti 1979, 195 000 euros. Entre passion et placement financier, la folie des acheteurs pour les grands crus n’est pas sans conséquences pour le vignoble star, la Bourgogne…
La folie des grandeurs
Entre parking aérien et voies de chemins de fer dans une zone industrielle de Genève, le nom écrit en rouge sur la façade ne donne pas plus envie de fouler le raisin aux pieds que son allure de grosse forteresse. C’est pourtant là que se trouve la plus belle cave du monde : les Ports Francs SA, avec 3 millions de grands crus. Voire un peu plus aujourd’hui car le chiffre avait été donné en 2017 par Alain Decrausaz, l’ex-directeur de l’entrepôt ultra-sécurisé. Les Romanée-Conti et autres Yquem millésimés ne sont pas seuls. Des centaines de toiles de maître, dont 300 Picasso dit-on, des diamants ou des bolides de collection, leur tiennent compagnie. C’est que ce coffre-fort du monde permet d’échapper aux droits de douane. De retrouver à cette place de choix ces bouteilles dit bien l’ambiguïté du vin. Le cep soigné dans la brume des petits matins d’hiver par le vigneron est aussi un actif financier comme un autre. Ou presque.
Le phénomène n’est pas nouveau. Mais il s’est accéléré. Les Ports Francs en sont l’emblème. « Jusqu’en 1998, nous n’avions que du vin blanc espagnol en vrac », avait raconté Alain Decrausaz. Les Ports Francs avaient alors décidé de faire 15m2 de caves. Qui étaient devenus 1 500m2 en 2005, et 4 000 aujourd’hui. Jésus changeait l’eau en vin, les Ports Francs la piquette en millésimes plus exceptionnels les uns que les autres, encore mieux… Mais logique : les prix se sont envolés. En 2018, la maison de vente aux enchères Baghera Wines a vendu à Genève un mathusalem de Romanée-Conti 1979, à 216 000 francs suisses, soit 195 000 euros. Une bouteille de 6 litres, certes mais quand même, la gorgée se déguste. Cette vente de la collection d’Henri Jayer, un marchand bourguignon, avait d’ailleurs battu les records puisque l’ensemble d’un peu plus de 1 000 bouteilles était parti pour 5,8 millions de francs suisses.
Phénomène isolé ? Surtout pas. Les prix sont tirés par la mondialisation, les Américains achètent de longue date, comme les Européens. Japonais, Coréens ou Chinois aussi. Des passionnés que la Française Julie Carpentier, cofondatrice de Baghera Wines connaît bien. « À part peut-être les Russes, ou les gens du Golfe, qui ont souvent des représentants, les collectionneurs achètent eux-mêmes… », explique-t-elle. Demain les Brésiliens et les Indiens entreront dans la danse. On est donc dans un registre affectif, mais il y a aussi une logique purement financière. Les politiques accommodantes des banques centrales qui créent de la monnaie depuis la crise de 2008 ont rendu les riches encore plus riches. Les crypto-monnaies s’envolent, les bourses aussi, nourrissant une possible bulle spéculative qui ne demanderait qu’à exploser pour certains économistes. Dans ce contexte, le vin est une valeur refuge, comme l’art ou les diamants. Il sécurise les grandes fortunes, et même les « petites ».
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UN PAS DE CÔTÉ DANS LES MÉTROPOLES DU MONDE
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