Skip links

Le point sur la transition énergétique

Affaires

Monde   //   Investigation

Qui dit transition du secteur énergétique dit décarbonation donc électrification des usages. Remise en perspective de certains concepts clefs dans un contexte économique et géopolitique chaque fois plus complexe, au sortir d’une crise sanitaire et de la COP26.

Pourquoi il est fondamental de considérer le sujet du climat lorsqu’on aborde celui de l’énergie

Deux perspectives contraires envisagent le changement climatique : on peut croire que l’humain n’y est pour rien ou si peu, que l’état des connaissances scientifiques est insuffisant dans la compréhension de la paléoclimatologie (étude des variations du climat) de la Terre et que bon an mal an, l’avenir est incertain par nature alors, à quoi bon s’y projeter et surtout, pourquoi s’attribuer d’emblée une responsabilité!? On peut au contraire croire les conclusions du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC), dont le dernier rapport, qui date du mois d’août 2021, renforce ce constat : «l’influence humaine a réchauffé l’atmosphère, l’océan et la terre. Des changements généralisés et rapides dans l’atmosphère, l’océan, la cryosphère et la biosphère se sont produits […] Les augmentations observées des concentrations de gaz à effet de serre (GES) depuis environ 1750 sont sans équivoque causées par les activités humaines». 

Croire à l’humilité de ce rapport et aux éléments de langage bien calibrés qu’il comporte (les scénarios plus ou moins alarmants sont exposés selon leur probabilité : très probable, probable… etc.), faire confiance à ce vivier de connaissances évolutif, chaque fois plus précis que des milliers de scientifiques s’accordent à vulgariser, bien souvent de manière bénévole, c’est immédiatement comprendre les enjeux d’une réduction des émissions de GES dans l’atmosphère, CO2 en tête, afin d’atteindre la neutralité carbone vers la moitié du siècle — c’est-à-dire un équilibre entre les émissions de carbone dans l’atmosphère et leur absorption par les puits de carbone (sols, océans, forêts). Atteindre cette neutralité permettrait de limiter le réchauffement climatique à 1,5-2 Co.

Il convient alors de rappeler que presque 80 % des émissions de GES issues des activités humaines proviennent de la production et la consommation d’énergie. De là l’indissociabilité du changement climatique et de la volonté de transition énergétique. Il faut en effet décarboner massivement le monde de l’énergie si l’on souhaite freiner et stabiliser (au XXIe siècle) la tendance climatique actuelle pour s’offrir un futur décent et en assurer la pérennité pour les générations à venir. Qui dit décarbonation dit remplacement des énergies fossiles sur lesquelles repose l’économie tout entière.

Électricité : la partie émergée de l’iceberg

Il faut parler de mix énergétique et non pas de mix électrique pour comprendre l’étendue des enjeux. Sans énergie, pas d’électricité; sans électricité, pas d’économie. Il faut aussi considérer que le mix énergétique d’un pays concerne sa consommation et non pas sa production ni son exportation. Ainsi la Colombie a un mix électrique exemplaire, reposant presque exclusivement sur l’hydroélectricité tandis que son mix énergétique repose largement sur les hydrocarbures. A priori admirables, les quelque 20 millions de tonnes d’équivalent pétrole (Mtoe) consommés par la Norvège par an le sont majoritairement sous forme d’électricité, laquelle est produite par des barrages. Mix parfaits, tant énergétique qu’électrique? Oui, si l’on omet de considérer que la Norvège produit et exporte près de 180 Mtoe de pétrole et de gaz par an… 

Dans ses diagrammes de Sankey actualisés en 2019, l’Agence internationale de l’énergie (IAE) reportait une production (importation incluse) annuelle mondiale totale d’énergie proche de 860000 pétajoules, c’est-à-dire plus de 20527 Mtoe. La consommation correspondante, tous secteurs d’activités confondus, s’élevait à 9985 Mtoe, la différence entre production et consommation s’expliquant principalement par l’export et les pertes, dans cet ordre. Lorsque l’on oppose dans les débats publics les différentes sources d’énergies dites renouvelables entre elles ou au charbon et au nucléaire par exemple, dans la production d’électricité, on aborde moins de 25 % des usages (c’est-à-dire la consommation) de l’énergie dans le monde. En effet, la majeure partie de ces quelque 10000 Mtoe consommés l’est sous forme d’énergies fossiles, notamment dans les industries lourdes et les transports. Aux États-Unis, deuxième plus gros émetteur actuel de CO2, seulement 20 % de l’énergie est consommée sous forme d’électricité. 

On peut ainsi débattre tant qu’on veut du bien-fondé d’un parc éolien ici ou de panneaux solaires là pour alimenter la centrale qui fournira à son tour à nos machines l’électricité dont elles ont besoin pour fonctionner mais, même si ces sources renouvelables avaient les attributs du pétrole (densité et permanence en particulier), on oublierait néanmoins de se poser la question de leur production, de leur transport ainsi que celui de tous leurs composants. En d’autres termes, l’enjeu de notre époque est systémique : il s’agit d’électrifier les usages tout autant que de coupler à la production de l’électricité des sources renouvelables d’énergie. 

Qui dit électrification des usages dit augmentation, additionnelle, de la demande en énergie – puisqu’il faut bien construire les infrastructures dédiées, faire évoluer celles existantes ou les remplacer en fin de vie. Additionnelle car aujourd’hui près d’un milliard de personnes n’ont toujours pas accès à une source fiable d’électricité dans le monde et qu’à mesure que tous les pays s’industrialisent et que de plus en plus de personnes se connectent donc au réseau électrique local, cette demande à elle seule devrait augmenter de près de 80 % d’ici 2050. Si l’on ajoute les besoins de conversion du système énergétique actuel afin que demain près de 70 % de notre consommation soit satisfaite par des énergies renouvelables comme le suggère l’IAE, cette même demande en électricité devrait en réalité tripler d’ici à 2050. 

[…]

Article complet au format papier dans Mayonèz Mag Nº6. Retrouvez tous les aperçus d’articles de Mayonèz Mag dans la section Archives.

Texte: 
Rémy Genet

Témoignages:

Simon Corbell

Ancien vice-ministre en chef du Territoire de la capitale australienne

Manuel Maiguashca

Ancien vice-ministre des Mines et de l’Énergie de Colombie

Rafael Kawecki

Responsable stratégie chez Siemens Energy

Sébastien Paillat

Cofondateur de FiveT Hydrogen AG

Théo Imbert

Ingénieur travaillant à l’installation de batteries au lithium sur les réseaux électriques

Dominique Maignan

Ancien responsable du développement des méthodologies d’essais pour la mise au point des moteurs Renault

Alvaro Perez del Castillo

Directeur général de Carbosur

Carlos López Torrego

Directeur technique de Cyrolovita XXI

Hugo Lucas

Responsable de la communication et des relations institutionnelles de l’Institut pour la diversification et les économies d’énergie (IDAE), du ministère de la Transition écologique d’Espagne

Partagez cet article :

UN PAS DE CÔTÉ DANS LES MÉTROPOLES DU MONDE

Abonnement

Mayonèz Mag est un magazine au format papier. Vous pouvez vous abonner dès maintenant et le recevoir chez vous.

Je m'abonne !
Mayonèz Mag