Culture
Moldavie // Reportage
Pays le moins visité d’Europe, la Moldavie est un des premiers producteurs de vins du vieux continent. Cette ancienne république soviétique, isolée entre l’Ukraine et la Roumanie, a pourtant failli voir ses vignes disparaître, conséquence des crises géopolitiques entre Moscou et les capitales européennes. Pour survivre, les viticulteurs moldaves ont fait le pari de la qualité. Une réussite spectaculaire, qui replace le vin moldave sur la carte de l’œnologie mondiale.
Secrets vinicoles et poids du passé
Au détour d’un virage sur la route qui relie Chisinau, la capitale moldave, aux rives de la mer Noire, le château de Purcari apparaît soudainement. Avec ses murs blanchis à la chaux, sa tour surmontée d’un toit à quatre pans typiques de Bessarabie et son mur d’enceinte d’où l’on devine des créneaux dignes d’une forteresse médiévale, il serait facile de se méprendre. Le château n’a pourtant été construit qu’en 2003, imitant l’architecture traditionnelle et la supercherie apparaît après un examen approfondi : le visiteur n’a pas affaire à un monument du patrimoine moldave, mis à mal par 70 ans de soviétisme, mais à un bâtiment moderne, destiné à accueillir les touristes qui se risqueraient dans ce coin perdu, aux confins de l’Europe.
Les lieux recèlent un secret : une des plus vieilles caves à vin de la région. Construite en 1827, c’est dans ses celliers que vieillit le vin de Purcari, l’un des plus anciens de la région. Juste à l’étage supérieur, un vaste jardin donne sur le trésor moldave : un long alignement de cultures en terrasses où poussent les vignes de la propriété, dont les plus vieux cépages seraient arrivés avec les premiers colons grecs de la mer Noire, probablement au IIIe siècle avant notre ère. Cătălina Țurcanu, la responsable marketing du groupe Purcari, aime à rappeler le profond attachement du château à son terroir : « personne ne sait pourquoi le vin de Purcari est si spécial. Est-ce la proximité de la mer Noire, de nos versants exposés plein sud ou le climat continental ? »
À travers les plans de pinot grigio, de merlot, de pinot noir ou de nergu di purcari, un cépage endémique du village, l’œil aguerri aux tourments de cette région devinera une des zones géopolitiques les plus explosives de notre continent ; là, trois frontières se rejoignent, séparées par la rivière Dniepr. Au sud-est l’Ukraine, toujours marquée par une guerre civile qui dure depuis plus de sept ans ; à l’ouest, la Moldavie, terre roumaine soumise à l’impérialisme russe depuis le XIXe siècle et qui était intégrée à l’URSS ; au nord-est, la Transnistrie, État russophone et séparatiste, qui a refusé de se joindre à la jeune république moldave une fois son indépendance acquise en 1990. Sur les rives orientales du Dniepr, des unités blindées de l’armée russe protègent toujours cette enclave pro-Moscou. Au milieu de cet imbroglio diplomatique, qui semble pouvoir s’embraser à la moindre étincelle, des paysans moldaves couverts du clop, un chapeau de paille traditionnel, travaillent la vigne comme les vétérans des légions de Trajan qui colonisèrent le territoire Dace au début du Ier siècle après J.C., donnant à la région une langue, le roumain, et un goût du vin immodéré.
Économie chancelante et mauvaises habitudes
Le pays souffre de cette tension perpétuelle entre ses voisins. Tom, un entrepreneur britannique qui s’est installé à Chisinau au début des années 2000, y voit « l’alpha et l’oméga des défis qui freinent l’essor économique de la Moldavie ». Il s’inquiète d’ailleurs des dernières rumeurs venues d’Ukraine : « depuis quelques jours, l’armée russe enverrait des renforts militaires au Donbass (informations confirmées depuis). Dès que le risque d’affrontement entre Ukraine et Russie se profile, toute la Moldavie s’inquiète. L’Ukraine va-t-elle attaquer la Transnistrie, pour sécuriser sa frontière occidentale ? Quelles seraient les réactions de Moscou et de l’Union Européenne ? Résultat, tout s’arrête et l’économie est suspendue au fil des relations internationales ». Tom a longtemps rêvé de monter une distillerie de whisky sur les rives du Prout, fleuve marquant la frontière roumano-moldave, et d’y développer une activité d’écotourisme.
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Texte:
William de Tamaris
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UN PAS DE CÔTÉ DANS LES MÉTROPOLES DU MONDE
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