Culture
Europe // Expérience
Sauter ici sur un trampoline, danser là avec une botte de paille et se plier aux autres extravagances des auditions. Découvrir, reconnaître et intégrer sa communauté en Europe. Persévérer, ne pas baisser les bras, suivre son intuition et prendre beaucoup de plaisir. Je suis danseuse contemporaine.
« Vas-y Aline, je te mets la chanson que tu as choisie, tu prends la botte de paille et tu y vas ». La chorégraphe me regarde, les autres danseuses qui participent à l’audition me regardent, moi je regarde la botte de paille. Elle fait environ 15 kilos, elle est rectangulaire, c’est une botte de paille classique. Je vais devoir improviser une danse avec elle, c’est la dernière étape de cette audition de danse qui dure depuis 6 heures.
J’ai atterri à Paris la veille : lorsqu’on est invité à une audition, il est de bon ton de s’y rendre. Pour se faire inviter, il faut constituer à chaque fois un dossier, parfois produire des vidéos de danse dans l’esprit de ce que le chorégraphe recherche, parfois simplement montrer comment on danse, sa technique, son univers. Le nombre de personnes invitées varie énormément : il y a des auditions où nous sommes une centaine, l’épingle à nourrice du dossard qui porte notre numéro fermement fixée au t-shirt car, si ton numéro tombe, tu n’es plus personne, un corps non reconnaissable parmi d’autres dans un studio moite. Et il y a des auditions où on se sent réellement « invité », comme celle-ci : nous sommes dix femmes, la chorégraphe nous appelle par nos prénoms, sait exactement pourquoi elle nous a demandé d’être là.
Il a fallu une longue série de petites et de grandes décisions, prises tout au long des dix dernières années, pour que je me retrouve finalement face à cette botte de paille dans un studio parisien du centre de développement chorégraphique.
Les premiers pas
J’avais 20 ans, en études supérieures de philosophie. J’avais lu beaucoup de livres et produit beaucoup de dissertations mais je n’avais jamais pris un cours de danse. Un évènement m’a fait réaliser que la vie était courte et qu’on avait le droit de prendre le chemin qu’on voulait. J’ai décidé que j’allais être danseuse professionnelle. Je ne connaissais pas ce monde, j’étais un peu perdue sur la marche à suivre, très angoissée à l’idée d’être trop vieille mais archi déterminée.
J’ai pensé : « c’est quoi le chemin ? » Puis : « je dois faire une école ». Celle dans laquelle j’ai commencé, à Paris, nous formait à bien ressembler aux profs dans le miroir. On se regardait, on comparait, est-ce que c’était bien conforme ? On dansait avec des « académiques » : c’est comme cela qu’on appelle des collants qui prennent tout le corps, des poignets aux chevilles. L’idée est de pouvoir bien voir les corps pour faciliter les corrections des enseignants. Ça nous faisait ressembler à des personnages du futur, ou à de sobres teletubbies. Pas le droit aux chaussettes. « Le jour où vous monterez sur scène en chaussettes, vous aurez le droit de prendre le cours en chaussettes ». L’argument était recevable.
[…]
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UN PAS DE CÔTÉ DANS LES MÉTROPOLES DU MONDE
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