FRUIT PICKING GREG

La City ressemblera toujours à la City, qu’elle soit à Londres, Berlin ou Sydney. Les quartiers d’affaires, les grandes tours, les gens en costume qui courent lestés par un attaché-case d’une main et aggripés de l’autre à un double latte. À Sydney, elle se concentre autour de trois ou quatre longues rues parallèles. Il y a George Street, Pitt Street et deux autres un peu moins fréquentées. Elles sont bondées des habituels hommes en costard et femmes en tailleur, bien sûr, mais aussi des étudiants qui vont en cours à reculons et des touristes égarés dans ce tourbillon. Seulement à Sydney, on trouve ce qu’on ne trouve nulle part ailleurs.  Assis par terre ou trainant debout, des aborigènes comblent les espaces vides, presque de manière invisible. Ils font la manche, vendent leur peinture sur le trottoir, jouent du didge- ridoo pour quelques dollars ou cuvent leur alcool dans un coin pour quelques heures. Rien d’autre. Les chiffres sont sans appel, ils disent par exemple qu’ un adolescent aborigène a 24 fois plus de chance d’aller en prison qu’ un autre. En réalité, il a plus de chances de passer derrière les barreaux que sur les bancs de la fac. Et il en va de même pour son espérance de
vie, inférieure de près de dix ans à celle de ses compatriotes, de sa probabilité de se retrouver au chômage ou illettré qui sont, cette fois, bien supérieures. Ceci explique surement pourquoi les aborigènes sont les seuls à errer dans la City. Et pourquoi quand ils passent devant les luxueuses galeries d’art qui vendent leurs rêves abrités derrière d’épaisses vitres blindées, ils ne les regardent même pas.

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