Société
Portugal // Expérience
Dans le nord du Portugal, les familles parties dans les années 80 pour chercher ailleurs un avenir meilleur sont nombreuses. Aujourd’hui, les enfants reviennent sur leurs terres au plus grand plaisir des pères. Seulement voilà, tout ne se passe pas toujours exactement comme prévu.
Tennis blanches, cheirinho et chaussures de chantier
Des Stan-Smith immaculées aux pieds, un pantalon à l’ourlet savamment étudié, Nelson Ferreira marche dans les pas de son père. Il évite les flaques de boue et saute de pierre en pierre pour éviter de se salir. Dans sa main, le dernier I-Phone X et ses millions de pixels et de contacts n’arrête pas de sonner. Sous ses yeux, des champs à perte de vue. Là-bas, au loin, de l’autre côté de la vallée, un village à flanc de colline. Celui de sa mère. Qui fait face à celui de son père, 100m plus loin. Si ce dernier a décidé de l’emmener pour une petite balade dominicale juste après le cheirinho (liqueur de café) du déjeuner, c’est avant tout pour lui faire visiter les terres qui, un jour, lui appartiendront. À lui et à ses frères. Celles qu’il a passé toute une vie à acheter. Un lopin par-ci, un bout de terrain par-là et qu’il n’ose pas se résoudre à revendre. Celles qui restent en friche depuis des années et qui sont, malgré tout, son bien matériel le plus précieux, une partie de son histoire et de sa vie. Celle qu’il a toujours imaginé transmettre à ses enfants, un jour.
C’est d’ailleurs dans ce but qu’Avelino Ferreira est parti en France avec ses trois fils et sa femme au début des années 80. À l’époque, il n’y avait pas de travail dans le nord du Portugal et c’est donc dans un petit village près de Caen qu’il a commencé à construire. Le bâtiment. Ses mains. Sa force de travail. Et puis, on lui a proposé d’aller en Arabie Saoudite pour une société française. La paye était bonne, le travail dans ses cordes, il y est allé, seul, sans se poser de question. C’était son devoir de père. Et tant pis si cela voulait dire qu’il ne verrait plus ses enfants que deux fois par an ; ça voulait aussi dire qu’il pourrait leur offrir un futur meilleur et quelques hectares, sur la Terre de leurs ancêtres.
Ses enfants le lui ont bien rendu, cela dit. Ils ont fait de bonnes études, trouvé des emplois qui payent bien, bâti leur vie de famille. Paris, Sydney, Londres, des grosses entreprises pharmaceutiques, des sociétés de courtage en assurance, la voiture, le pavillon, les weekends à la campagne. Et puis voilà, peut-être était-ce la crise de la quarantaine précoce ou plus simplement le ras le bol de la vie parisienne, ils ont décidé de rentrer au pays. Nelson a été le premier de la fratrie à le faire avec sa femme, Vanessa, portugaise également originaire d’un village de l’autre côté de la colline à 10 minutes de voiture et leur fille. Puis ont suivi Pedro et Dani, les frères. Comme leur père 30 ans auparavant, ils ont tout plaqué, mis quelques affaires dans un carton et sont partis chercher une vie meilleure. À une différence près, cette fois, la motivation principale n’était plus économique mais le confort de vie. Preuve sans doute que le pari originel du père était une réussite et que la roue tourne.
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UN PAS DE CÔTÉ DANS LES MÉTROPOLES DU MONDE
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