Société
Pérou // Reportage
Si on les considère pour ce qu’ils sont sans les stigmatiser, ayahuasca, San Pedro et autres « plantes médecines » offrent bien des possibilités de traitement de pathologies pour lesquelles la pharmacopée conventionnelle est dans l’impasse thérapeutique. La communauté scientifique n’a pas encore de compréhension complète et mesurable de l’expérience – spirituelle ou transcendantale, c’est selon les points de vue – qui accompagne l’ingestion de champignons et plantes « magiques » mais quelques praticiens osent néanmoins se tourner vers la « grande forêt » pour proposer à leurs patients de nouvelles possibilités de traitement. Itinéraire latino-américain d’un amateur averti, en quête de compréhension.
D’emblée, Diego m’avait mis les points sur les i : «la première fois que tu prends de l’ayahuasca tu n’en ressens pas forcément les effets ; tout dépend de ta préparation, de ce que tu en attends, de l’endroit où tu te trouves, avec qui et de la dose que va t’administrer le chamane. Il faut tout d’abord faire un régime spécial, la dieta, pendant quelques jours, sans sel, sans sexe, sans viande, ni café ni alcool, idéalement des fruits et des légumes frais, du poisson et de la banane qui favorisent la production de sérotonine et si cela est possible, passer ces quelques jours isolé et dans le silence. Il faut faire la cérémonie dans un endroit où l’on se sent en sécurité avec des personnes en qui on a confiance et finalement que la dose soit assez forte pour véritablement garantir les effets de la DMT (N,N-Dimethyltryptamine) contenue dans l’une des plantes du breuvage. Une fois ces recommandations faites, Diego m’avait simplement dit « suerte » (bonne chance), avant d’enfourcher sa bicyclette pour retourner dans la maloca qu’il s’était construite dans la forêt. Je retournais à Pucallpa perplexe mais ses conseils allaient m’être précieux.
Marché interlope, gare aux arnaques !
Il suffit de parcourir les réseaux sociaux et de chercher « ayahuasca Lima » pour se rendre compte du nombre de groupes et de pages où des cérémonies sont proposées. Peut-être pas autant qu’à New-York où plus de cent manifestations sont organisées chaque jour mais suffisamment pour dire que l’ayahuasca est sortie de l’anonymat de son Amazonie natale et a commencé à envahir la capitale liménienne. Presque tous ceux qui proposent leurs services sont des chamanes auto-proclamés nés dans la capitale, parfois ils peuvent avoir une véritable connaissance du breuvage et ses usages, souvent ce sont des apprentis et il existe aussi des charlatans. Quelques rares véritables chamanes amazoniens font le voyage. Certains proposent également des cérémonies avec prise de San Pedro, un cactus répandu en Amérique du Sud qui contient de la mescaline entre autres alcaloïdes. D’autres travaillent avec des psilocybes, les fameux champignons magiques et parfois arrivent des Mexicains qui viennent avec de la 5-MeO-DMT, le psychédélique le plus puissant, issu des sécrétions d’un crapaud du désert de Sonora, le Bufo Alvarius.
Rosaura est la fille d’un grand ayahuasquero (qui soigne par l’ahyahuasca) du peuple kokama et vit à Pucallpa, la ville du centre de l’Amazonie. Elle a commencé à prendre de l’ayahuasca à l’âge de sept ans avec ses parents. Bien plus tard elle a rencontré Thomas, qui allait devenir son mari, originaire d’Allemagne et qui était venu au Pérou pour apprendre avec le père de mon amie les secrets de préparation du breuvage ; il en était devenu le disciple et lui-même ayahuasquero. Rosaura connaît autant les secrets de sa forêt et de ses plantes que l’univers des malades. Depuis des décennies, elle étudie les « plantes médecines ». Sa vitalité est surprenante, son sourire motivant, sa simplicité apaisante et sa joie de vivre contagieuse. Les trois nuits d’ayahuasca que je passais avec elle ont été les dernières avant la pandémie et j’en ai un souvenir reconnaissant. C’est elle qui m’a parlé de ses relations avec des thérapeutes et des psychiatres de Lima et qui m’a donné l’envie d’étudier les liens entre médecine traditionnelle et conventionnelle.
[…]
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Texte:
Antoine George
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