Portrait d’entrepreneur
Affaires // Espagne
Alejandro de León est un financier humaniste de haut vol. Portrait de cet entrepreneur à succès qui vient en aide à des milliers de femmes exceptionnelles dans les régions les plus pauvres et reculées d’Amérique Latine…
Alejandro, pourquoi as-tu fondé Microwd ?
J’ai commencé à prêter de l’argent à titre personnel à des femmes incroyables que je rencontrais dans le cadre de mes activités pour l’ONG MAYAS. En 2015, j’ai dû officialiser mon activité, j’avais déjà plus de 80 crédits à mon actif. Mon attachement personnel va à l’économie du réel, à l’économie pratique, celle des activités du quotidien. Investissez 1000 euros, on aidera une mère de famille à acheter trois cochons, une vache ou quinze poules. Voilà ce que prétend Microwd : des investissements compréhensibles, qui servent la vie des gens et que les investisseurs peuvent se représenter facilement.
Pourquoi avoir uniquement choisi des femmes pour clientes ?
Deux raisons principales, la première affective, la seconde statistique : d’une part j’avais l’habitude de prêter de l’argent à des mères de famille soucieuses d’offrir une éducation à leurs enfants depuis 2009, d’autre part parce que les rapports annuels de The Economist sur le micro-financement démontrent que les femmes remboursent mieux que les hommes.
Pourquoi le Pérou et le Nicaragua, pourquoi pas l’Espagne le Portugal, des pays d’Asie ou d’Afrique ?
On a fait une tentative au Mozambique l’année dernière, ç’a été un échec parce qu’on ne transmet pas notre expertise aussi bien dans une langue étrangère. Lorsqu’on parle financement, ça devient vite technique et il faut que tout le monde se comprenne parfaitement. Ensuite nous nous assurons d’entrer sur des marchés où nos avantages compétitifs sont forts. Dans la campagne nicaraguayenne ou les andes péruviennes, il y a beaucoup de femmes entrepreneuses dans le besoin qui, si elles souhaitaient passer par des solutions de financement locales, devraient affronter des taux d’intérêt de 300%. À l’inverse, si nous voulions nous mesurer au marché espagnol, il nous faudrait d’abord payer une licence bancaire de trois millions d’Euros puis proposer des prêts au moins aussi avantageux que ceux des institutions déjà établies, ce qui est tout simplement impossible. Enfin, certains pays où nous aimerions nous implanter présentent d’autres conditions qui nous freinent dans notre élan : en Colombie par exemple, la culture entrepreneuriale est très forte mais 70% de la population est déjà bancarisé tandis qu’en Équateur, le gouvernement régule fortement l’entrée de capitaux étrangers.
Une anecdote qui t’a marqué ?
Ouf ! Une seule ? En voici une rigolote : à ma grande surprise, l’une de nos premières clientes qui avait acheté une truie grâce à l’argent que nous lui avions prêté, avait refusé un second crédit proposé la même année. J’ai alors appris qu’une truie devenait fertile dès l’âge de six mois, que la sienne avait déjà mis bas et que sa ferme comptait déjà six ou sept cochons de plus, suffisamment pour être rentable et ne plus avoir besoin de nous.
Le risque de ne pas être remboursé est-il important ?
4,81% des prêts octroyés ne sont pas remboursés. C’est un taux inférieur à celui des impayés des banques qui prêtent aux entreprises espagnoles. Je crois que tout est dit… Nous prêtons à des entrepreneuses pragmatiques, qui souhaitent offrir à leur famille les moyens de sortir de la misère. Ces micro-crédits sont une aubaine pour elles et leur activité, anticyclique par excellence, et une aubaine pour nous. Nous ne dépendons presque pas des variables socio-politiques ou des fluctuations économiques parfois dramatiques du Nicaragua ou du Pérou. Nous agissons dans des zones trop reculées, au sein de communautés qui n’ont que faire de ce qui se trame dans la capitale. Si le Congrès y a été mis hors service ou que des grèves massives paralysent la ville, la vie continue.
Anticyclique au point de ne pas être impacté par la pandémie de COVID19 ?
En temps qu’entreprise espagnole, si bien entendu, nous sommes impactés car nous avons des charges. En termes de produit, nous adaptons désormais notre portefeuille et ne prêtons plus qu’aux négoces de première nécessité. Sur le long terme en revanche, je ne suis pas inquiet, je pense même que la relance compensera largement les aléas actuels.
Comment t’assures-tu que Microwd ne se fasse pas doubler par les investisseurs et les clientes finales ?
En fait, l’une des particularités de notre modèle est justement de les mettre en contact. Nous leur faisons confiance et si l’un ou l’autre maillon de la chaîne souhaitait se passer de nous, ils le pourraient toujours mais le simple fait que nos entrepreneuses n’aient pas de compte courant complique tout de même la manoœuvre.
En revanche, les grandes banques locales nous piquent des clientes. Une fois passées par le système Microwd, elles peuvent démontrer un historique bancaire. Elles sont devenues solvables aux yeux d’établissements comme BBVA, lesquels sont alors en mesure de leur faire crédit à des taux plus compétitifs que ceux de Microwd. Nous sommes évidemment tristes de les voir partir mais cela nous procure aussi beaucoup de fierté et nous réchauffe le cœur. Au final, nous avons aidé quelqu’un à sortir de la misère, c’est un cercle vertueux.
Article au format papier dans Mayonèz Mag No.1. Retrouvez tous les aperçus d’articles de Mayonèz Mag dans la section Archives.

Auteur :
Rémy Genet
Photographes / Illustrateurs :
Microwd
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