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ONG : défis et mutations

Affaires

France   //   Investigation

Selon l’Aperçu humanitaire mondial des Nations unies, 274 millions de personnes ont besoin d’aide humanitaire en 2022. Elles étaient 235 millions en 2021 tandis que seuls 46 % des 38 milliards de dollars alors nécessaires pour leur venir en aide avaient effectivement été collectés et distribués. Les ONG, bras armé de l’action humanitaire, en partie réceptrices de ces fonds destinés à l’aide, doivent faire face à cet écart de couverture en hausse sans se départir de leurs valeurs ni de leur rôle moral. Elles poursuivent en effet l’indépendance financière et politique ainsi que la valorisation de l’intérêt public. Dans ce contexte, elles sont à la fois partenaires sur le terrain et concurrentes pour la captation des fonds, leurs plus grands défis demeurant la justification et l’efficacité de leurs actions. 

ONG : le b.a.-ba

Bien que les cadres légaux varient d’un pays à l’autre et qu’en France notamment, il n’existe pas de base juridique permettant d’affirmer qu’une association (loi de 1901) est, ou non, une organisation non gouvernementale, on admet généralement qu’une ONG est un organisme financé par des fonds publics ou privés, à but non lucratif, menant des actions humanitaires.  

Les plus modestes d’entre elles lèvent quelques centaines, voire quelques milliers d’euros par an, tandis que les plus grandes peuvent compter sur des budgets de plusieurs centaines de millions d’euros pour fonctionner et agir. Les ONG françaises sont principalement financées par des bailleurs publics internationaux (Union européenne, Organisation des Nations unies). Les donations des citoyens français jouent ensuite un rôle majeur, suivies de celles de l’État puis du mécénat d’entreprise. Cette agrégation ne rend cependant pas compte de la diversité de fonctionnement et de financement des ONG, l’exemple le plus probant étant certainement celui de Médecins sans frontières (MSF), véritable multinationale de l’humanitaire, dont la capacité d’action dans l’urgence n’est possible que parce que plus de 98,6 % de leurs fonds sont d’origine privée. Coordination Sud, organisation de coopération des ONG françaises, estime que sur le seul territoire national, parmi les dizaines de milliers existantes, 450 disposeraient d’un « minimum d’outils de gestion » et seraient donc en mesure d’organiser leurs ressources et d’allouer leurs budgets pour planifier et mener à bien ces actions, dans l’hexagone ou à l’étranger. 

Qu’est-ce qu’un bon bénévole ?

Envie d’aider ? Vaut-il mieux donner aux ONG ou agir avec elle ? « Donner, c’est agir », répondront bon nombre d’entre elles. En tous les cas en ce qui concerne l’action internationale. Donner pour financer l’activité de professionnels dont la mission est de contribuer à éradiquer la faim dans le monde, faciliter l’accès à l’eau potable, venir en aide aux réfugiés de guerre ou soigner les victimes de catastrophes naturelles. Les administrateurs d’une ONG française (président, secrétaire général, trésorier) doivent être bénévoles selon la loi de 1901. Ce n’est pas de ces profils dont il est question ici, mais bien de tout citoyen français qui souhaiterait mettre à profit ses compétences sur le terrain : partir en Amérique du Sud, au Sahel ou en Asie du Sud-Est pour « donner de son temps » lors d’une mission humanitaire ponctuelle. C’est peu ou prou l’esprit du sans-frontiérisme des années 1960, sur la pente glissante du tiers-mondisme critiqué dès les années 1970 jusqu’à nos jours par certains professionnels et une partie de l’opinion publique. 

La bonne intention des citoyens, qui souhaitent se porter volontaires pour une durée courte dans des pays moins développés que la France, renvoie en effet et malgré eux à trois imaginaires dont souhaitent s’éloigner les ONG. Premièrement, l’aide humanitaire serait à la portée de toute personne bien intentionnée. Non ; sur le terrain, la distribution de vivres, la consultation paramédicale, le recensement ou quelque autre action d’aide que ce soit requiert son lot de formation et de préparation. Deuxièmement, toutes les initiatives compteraient, aussi petites soient-elles. Pas forcément. Quel est l’impact véritable de deux semaines d’enseignement d’une professeure des écoles ou de soins paramédicaux d’un infirmier français au Yémen ? Plus contre-intuitif encore, quel est véritablement l’impact d’un groupe d’employés envoyés deux mois par leur comité d’entreprise à Haïti pour participer à la construction d’une école ? Ce qui ne change pas structurellement les choses, qui ne remet pas dans les mains de la société civile locale les moyens de progresser de façon autonome, n’est pas forcément justifiable. L’argent que les bénévoles et l’entreprise susmentionnés investissent dans leurs déplacements et frais de séjour pourraient contribuer à des actions à plus long terme s’ils en faisaient tout simplement don à une ONG compétente. Enfin, malgré toute la bonne volonté du monde, un groupe de Français charitables se rendant en terre exotique pour « sauver » la population locale le temps d’un voyage, reste une initiative fortement teintée de leur besoin de développement personnel et de leur héritage colonialiste. L’enfer est pavé de bonnes intentions. 

Les exceptions existent, bien sûr, et les ONG sont souvent confrontées à une analyse au cas par cas de l’implication éventuelle de volontaires sur le terrain à l’étranger, laquelle résulte souvent de l’urgence, du besoin de compétences très précises, introuvables dans le pays aidé, ou de l’absence de la population locale pour effectuer les tâches que les bénévoles se proposent d’accomplir. Ce peut être le cas lors d’un conflit par exemple, lorsqu’une partie de la population est réquisitionnée pour se battre. 

Sur le territoire national en revanche, le recours aux bénévoles est unanimement salué, et pour cause, il a fait ses preuves. Il est exempt, aussi, de problématiques morales Nord-Sud ou d’assistanat malsain dont on se méfie dans le cadre de missions internationales, puisque les personnes concernées s’engagent alors en France, pour une cause nationale ou internationale. Aider son prochain reste le mot d’ordre, selon la disponibilité et les compétences de chacun, et des ONG telles que les Restos du cœur, qui font constamment appel aux bénévoles (pour la distribution de repas, l’organisation logistique, la formation, etc.) prouvent année après année l’importance de leur action dans l’hexagone. Ils avaient distribué 142 millions de repas à 1,2 million de personnes entre 2020 et 2021. 

En France, recourir aux bénévoles peut aussi servir des causes internationales. Née juste après le déclenchement de la guerre en Ukraine, Ukrainian refugee assistance (URA) a pu compter sur la mobilisation de centaines de bénévoles français lors de ses collectes. Le poids des symboles, enfin, est important, notamment lorsqu’une ONG mène des actions de plaidoirie. En 2022, Handicap International invitait à ce titre les citoyens à se mobiliser en venant « lancer leurs chaussures en signe d’indignation contre les bombardements des civils », pour la vingt-huitième année consécutive.

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Article complet au format papier dans Mayonèz Mag Nº9. Retrouvez tous les aperçus d’articles de Mayonèz Mag dans la section Archives.

Entretien des latrines d’urgence, © Vinabè Mounkoro – Solidarités International

Consultations prénatales, clinique mobile, Soudan du Sud. © Patrick Meinhardt – ALIMA

Entretiens

Théodore Thiébaud, Médecins du Monde

Stanislas Bonnet, Handicap International-Humanité & Inclusion

Maxime Decaens, HAMAP-Humanitaire

Fernand Étiemble ex. adjoint au maire de la commune de Saint-Jacques-de-la-Lande.

Kevin Goldberg, Solidarités International

Guillaume Haquin, Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE)

Augustin Roncin, Ukrainian refugees assistance (URA)

Texte :
Rémy Genet

Illustration :
Leonel Lopes

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