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Les 10 conseils de Marion Joffle pour traverser la Manche… à la nage

Sport

France   //   Reportage

Le 22 août dernier, Marion Joffle, 23 ans, battait le record national et féminin de la traversée de la Manche à la nage. La jeune normande au mental d’acier reliait Douvres au Cap Gris-Nez en 9 h 22 min, récoltant ainsi le fruit de cinq longues années de préparation. Voici quelques recommandations et anecdotes récoltées dans son sillage.

1. Entrainez-vous

Choisissez un club, entourez-vous de professionnels qui comprennent les enjeux physiques et psychologiques d’une telle aventure. Reproduisez autant que faire se peut les conditions de cette traversée, partiellement, régulièrement, en variant vos parcours et exercices de nage, en alternant les longues distances en bassin et les sorties en mer, les vitesses constantes et fractionnées. Au mois de juin 2022, Marion nageait en moyenne 20 h par semaine à raison de 8 à 9km par session. Elle s’est octroyé deux semaines de récupération partielle avant son départ : elle nageait une heure par jour dans les eaux anglaises afin de s’habituer à la température de l’eau (17 degrés).

 

2. Enduisez-vous de crème solaire 

De la tête aux pieds, indice 50 de protection… ou c’est la brûlure assurée ! Que le soleil soit au beau fixe ou qu’il pleuve des trombes. Être ainsi exposé aux UV et à leur réverbération dans l’eau ne vous laisse pas d’alternative. Vous préférez nager dans le noir que vous enduire de crème solaire ? Pour votre sécurité, abstenez-vous de traverser la Manche de nuit.

 

3. Prenez du poids

Voilà un conseil qui concerne plus particulièrement les nageurs qui n’ont pas de « vitesse de nage », c’est-à-dire qui ne se seront entraîné que pour cette traversée, sans avoir pratiqué la natation en compétition au préalable. Être un habitué des courses de fond en bassin vous permet d’acquérir une cadence de nage que vous serez plus à même de suivre en pleine mer — comparativement aux nageurs qui se lancent avant tout pour se prouver à eux-mêmes qu’ils peuvent le faire, sans considération particulière pour leur temps de nage. Prendre du poids permettra de mieux résister au froid, de rester plus longtemps dans l’eau que si l’on se lançait avec son poids de forme. Le planning d’entrainement intensif de Marion ne lui a pas permis de grossir avant son départ mais elle le recommande néanmoins fortement. « On dit que la traversée fait 34 km mais, entre les courants et la marée, même avec un bateau pour guide, on finit toujours par nager plus ». Notez qu’en moyenne, les nageurs qui ne sont pas « issus de la natation » traversent plutôt en 15 h et zigzaguent jusqu’aux côtes françaises. Ceux que la mer entraîne jusqu’à Cap Blanc-Nez restent parfois plus de 24 h dans l’eau, certains devant nager jusqu’à 60 km. Plus on passe de temps en mer, plus le risque d’hypothermie augmente.

 

4. Enduisez-vous de graisse

Pensez aux phoques et aux pingouins : ils sont gras, ils ont chaud. S’enduire le corps d’un mélange de lanoline et de vaseline permet de boucher les pores de la peau et de conserver sa température corporelle sur de longues distances. Rien ne vous sauvera en outre du froid si vous arrêtez votre course pour reprendre votre souffle. Nager à allure constante est la plus sûre façon de ne pas claquer des dents.

 

5. Enduisez-vous de graisse (encore !)

Si vous êtes aussi rapide que Marion, vous nagerez à raison de 60 rotations de bras par minute et au moins autant de battements de jambes, soit près de 64 400 mouvements occasionnant moult frottements, de la peau sur elle-même ou contre les coutures de votre maillot de bain. Veillez à bien recouvrir ces zones de friction de vaseline conventionnelle.

 

6. Respectez les règles

Pour des raisons de sécurité principalement, on ne traverse pas la Manche sans réserver la date de son futur exploit avec la Channel Swimming Association ou la Channel Swimming and Piloting Federation. Être guidé par un bateau est également obligatoire. Le temps d’attente est d’environ trois ans pour recevoir une autorisation. Si vous souhaitez, enfin, que votre parcours soit homologué, il vous faudra nager équipé du strict minimum : maillot de bain, lunette de natation et bonnet de piscine. Marion, ainsi que tous les aventuriers ayant bouclé leur traversée avant elle, rendent ainsi hommage au capitaine Webb, premier nageur à avoir rejoint la France depuis les côtes anglaises, le 25 août 1875, en 21 h 45 min.

 

7. Préparez-vous à l’adversité

Elle commence bien avant la traversée. « Dans l’absolu, rien ne devrait pouvoir nous empêcher de nous entraîner. C’est la priorité, il faut toujours, à un moment ou à un autre, trouver des solutions aux complications du quotidien, qu’elles soient économiques, liées à l’agenda, aux changements de notre vie en société ». Marion n’avait à ce titre pas prévu de reporter plusieurs fois sa traversée à cause des confinements successifs. Enfin, quel que soit le plan de parcours que l’on peut avoir en tête, rien ne prépare à l’état de la mer le jour J. Sans oublier les piqûres des méduses, nombreuses dans la Manche en période estivale.

 

8. Sachez vous entourer

« J’ai pu finir la course car je savais que ma maman, mon pilier, ma boussole, m’attendait sur la roche au Cap Gris-Nez », témoigne Marion, toujours émue lorsqu’elle évoque la délivrance de l’arrivée et les embrassades qui suivirent. La jeune nageuse a également pu compter sur le soutien indéfectible de ses proches, de son entraîneur Mathias Farid, de son mentor et « papa de cœur » Philippe Fort, lui-même habitué de la nage en eau vive et froide. Il est très important de s’entourer de personnes qui croient en vous. Personne ne traverse véritablement la Manche seul. Il est en outre d’une importance capitale d’être suivi par des spécialistes de santé. Marion rendait régulièrement visite à son médecin du sport, le docteur Joffrey Drigny, au CHU de Caen, ainsi qu’à Denis Robillard, ami ostéopathe qui soulageait ses douleurs articulaires et musculaires.

 

9. N’oubliez pas de vous ravitailler

Vous aurez besoin de vous alimenter, votre corps vous l’exigera. Vous écarterez ainsi de réels dangers comme l’hypoglycémie. Organisez-vous pour que votre équipe sur le bateau puisse vous tendre de quoi manger et boire facilement. Attention à ne pas agripper la main de ceux qui vous ravitaillent sous peine de voir votre exploit recalé du livre des records et invalidé par les fédérations précédemment mentionnées. Marion a compris que la meilleure manière de s’alimenter, de se réchauffer et d’interrompre le moins possible son effort consistait à ce que l’équipage lui tende une canne à pêche au bout de laquelle était fixée une gourde contenant du thé mélangé à de la boisson énergisante et à de la compote. Elle se positionnait temporairement sur le dos, continuait à battre des jambes et se repositionnait sur le ventre aussitôt son ravitaillement effectué.

 

10. Rendez votre expérience ludique

L’adversité n’empêche pas la fantaisie. Depuis le début de cette aventure, Marion est, pour ses proches et ses fans, le « pingouin souriant », un surnom qu’elle affectionne particulièrement. Comme elle, l’oiseau part avec un handicap (il ne sait pas voler tandis que Marion a été amputée d’un doigt à l’âge de six ans*), il nage vite et en eau froide. Il ne faut pas oublier de célébrer les petites victoires qui vous rapprochent de celle, ultime, qui réalise votre rêve. Le moment venu, « il faut tout donner, avec le sourire ! »

 

*Marion a lutté contre une forme rare et localisée de cancer jusqu’à l’âge de seize ans. Désormais, elle choisit ses combats ! Prochaine étape, prévue pour 2024 : nager 1,60934 km (la « ice mile ») dans l’eau glaciale de l’Antarctique (sans combinaison, bien entendu).

 

Bravo Marion ! Continue à nous inspirer.

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Text : Rémy Genet

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