L’ENVOÛTEMENT DU PORT DE CARRASQUEIRA

Je foule les planches vermoulues des pontons,
Je fais attention !
Ces solides constructions, adaptées dirons-nous,
Tanguent encore dans ma tête, me donnent le vertige.

Je me sens si peu devant presque rien.

Je me penche pour voir le contenu d’un casier abandonné,
Quelques crustacés se battent pour un pneu englouti
Juste à côté ; dans cet estuaire aux airs de bout du monde,
Où le fleuve est déjà marin, où la boue des champs de riz
Se mêle au sable, où l’eau est riche…
Peut-être même en métaux lourds,
Je suis les remous du regard jusqu’à l’embouchure,
Ou plutôt, je les devine au loin.

La marée descend.

J’énumère les barques et petits chalutiers,
Ils clapotent.
D’où je suis, je ne les distingue pas tous,
Ils se cachent derrière les cabanes tchanquées.

La lumière. C’est la lumière qui me fait flotter.

Un pêcheur amarre son bateau ; que voilà de savants nœuds !
Il a toute mon attention.
Que ramène-t-il dans ses filets pelés, mille fois rapiécés ?
Je vais apercevoir un charroco, le poisson crapaud portugais…
Non, non, c’est la saison des sparaillons, c’est sûr !

Les couleurs sont légères, les tons fragiles.

L’air est à peine salé, dire marin serait exagéré
Ça sent le bois sec, en vrai. Presque le foin.
L’odeur des champs dans mon dos supplante
De timides embruns. J’ai faim !

Les aigrettes et autres piafs à grandes pattes se régalent.

Un héron gobe un amphibien,
Un gros semble-t-il, qu’il fait descendre dans son grand cou,
Qu’il tord dans tous les sens ; un tuyau d’évier souple et plumé.
Je fixe à nouveau le glacis.
Je n’ai progressé que de quelques mètres
Depuis que je me suis garée, à quelle heure déjà ?
Je me souviendrai de Carrasqueira et de ses cais,

Hors du temps […]

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