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À la guerre du wifi comme à la guerre

Société

Nouvelle-Zélande   //   Expérience

L’accès à internet fait-il partie des besoins essentiels ? La question ne se pose vraiment que dans les zones dépourvues de réseau et aux personnes qui en éprouvent furieusement la nécessité. Pour tenter de survivre sans liaison numérique, rien ne vaut une virée dans l’ile du Sud de la Nouvelle-Zélande. Le résultat pourra déstabiliser les voyageurs imprévoyants.

Aventuriers de la connexion perdue

Trois jours maintenant que je suis à la recherche du wifi. Dans mon vieil ordinateur portable, un courriel urgent trépigne d’impatience. Il me regarde fixement sans comprendre ce qu’il fait encore là, coincé entre mes photos de vacances et mon logiciel de traitement de texte, au fond de cette boite métallique qu’il n’aime pas, qui surchauffe et qui sent fort le cuivre et le zinc. En temps normal, il aurait déjà dû se prendre son shot d’adrénaline. Celui qui intervient juste après le « cordialement » et qui aurait dû le propulser sur les montagnes russes d’internet au moment précis où j’aurais cliqué sur « envoyer », avant de l’éjecter dans la boite mail de mon rédac chef qui – probablement aussi excité de le recevoir que moi de l’envoyer – l’aurait lu d’un œil torve avant de le déplacer mollement vers sa corbeille.

Seulement voilà, si j’écris ces lignes, ce n’est pas simplement pour me plaindre du manque de discernement de la hiérarchie mais surtout parce que dans le coin supérieur droit de mon ordinateur, le pictogramme wifi reste désespérément éteint. Sans réseau, pas de montagnes russes, ni de vie à 1 000 à l’heure pour mon courriel qui devra se contenter des lents cahots de la route à l’arrière de mon van pourri. Brinquebalé au gré des collines et des virages monotones, c’est à peine s’il aura le droit de demander ce qu’il se passe en contemplant le paysage. Je ne lui répondrai pas. Comment pourrais-je lui expliquer qu’en venant me balader en van dans l’extrême sud de l’ile du Sud de la Nouvelle-Zélande je cherchais à me retirer du monde, c’est vrai, mais sans jamais prévoir me retrouver sans wifi.

C’est long et court à la fois trois jours. Ça fait 72h ou 4 320 minutes, mais la nuit, je me réveille déjà en sursaut. Je ne pense pourtant pas être de nature spécialement anxieuse mais dès que je ferme les yeux, je me retrouve bombardé de milliers d’indices qui auraient dû me mettre la puce à l’oreille tout au long de ce mois passé dans ce pays du bout du monde. Les libraries et leur internet en libre-service pleines de voyageurs en guenille, les panneaux « Wifi for clients only », les silhouettes errantes accrochées au réseau d’un hôtel qui n’est pas le leur ou celui d’une auberge généreuse. C’est long et court à la fois, trois jours. Il y a 72 heures, quand je regardais dans les yeux de mes congénères, je voyais encore les incroyables paysages qu’ils venaient de traverser, leurs formidables aspirations à la liberté et toute la poésie de ce monde. 4 320 minutes plus tard, je n’y trouve plus que détresse, solitude et névroses.

Il y a trois jours, je m’accrochais encore aux paroles de mes semblables, je les trouvais belles et réconfortantes. « La vie en van, c’est la liberté, man », disaient-ils en souriant bêtement. 259 200 secondes plus tard, je suis devenu un disciple de Jeanne Moreau : « la liberté c’est de choisir celui dont on sera l’esclave », disait-elle. Moi, je ne le dis pas – je ne suis qu’un lâche – mais je me rends bien compte que ma quête désespérée de liberté m’a rendu esclave d’obligations triviales telles que se nourrir ou payer ses factures. Parce que je ne suis qu’un Homo Neanderthalensis Modernus Medius, j’ai désespérément besoin d’internet pour cela.

[…]

Article complet au format papier dans Mayonèz Mag Nº4. Retrouvez tous les aperçus d’articles de Mayonèz Mag dans la section Archives.

Texte: 
Ianis Periac

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UN PAS DE CÔTÉ DANS LES MÉTROPOLES DU MONDE

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